ESS et libéralisme : entre révolution silencieuse et symbiose acceptée, un enjeu politique

Mémoire de Jérôme Du Boucher.

Si l’ESS représente une part croissante du marché du travail français et du PIB, certains craignent qu’elle ne soit vouée à rester à la marge du système économique qu’elle revendique vouloir transformer. Dans quelle mesure le développement actuel de l’ESS contribue à réaliser un projet politique de transformation sociale ?

Selon les principaux promoteurs de l’ESS, cette forme particulière d’économie doit devenir la norme en se démultipliant et en changeant d’échelle, opérant ainsi une révolution silencieuse de l’économie classique. Nous cherchons à voir dans quelle mesure les développements actuels de l’ESS contribuent à réaliser cette visée, que nous qualifions de projet politique, ou à s’établir en symbiose avec le système économique qu’elle s’est donnée de subvertir.

De nombreux facteurs contribuent en effet à limiter, voire à annuler toute dimension politique de l’ESS. D’abord, l’Histoire prédispose l’Etat français à craindre la portée politique des organisations de citoyens que constituent les initiatives de l’ESS. La loi ESS de 2014 semble aller dans ce sens en la cantonnant à une fonction de création d’emplois. Ensuite, la « moralisation » de l’économie capitaliste permet à cette dernière d’intégrer en partie l’ESS et d’y désamorcer sa composante politique, en y appliquant une logique de marché. Enfin, derrière le mot d’ordre de « devenir la norme », certains voient une utopie à garder comme horizon, et tant que légitimation d’une éthique de responsabilité, ce qui neutralise toute idée de visée.

Malgré ces obstacles d’une économie transformatrice, nous dégageons une voie dans laquelle le développement de l’ESS participe au projet politique qui fait sens pour ses contributeurs ; celle d’une généralisation des modèles coopératifs et d’un renouveau de l’esprit associationiste militant.