Mémoire d’Arthur Lauvergnier.
Le modèle énergétique défendu par Enercoop est porteur d’un projet politique ambitieux. En effet, Enercoop souhaite promouvoir « une société dans laquelle chacun peut accéder à une énergie 100 % renouvelable ; un modèle sobre en énergie, local, organisé dans le cadre d’une gouvernance partagée, transparente et démocratique » . Enercoop se pose comme une alternative au modèle 3 énergétique actuel qui est très centralisé et qui est basé essentiellement sur des énergies fissiles et fossiles qui sont profondément polluantes pour la planète. Il s’agit également de sortir de notre état d’ébriété énergétique et de développer un modèle énergétique favorisant la sobriété et l’efficacité énergétique. Pour cela Enercoop entend développer un modèle énergétique basé sur des circuits courts de l’énergie avec des coopératives ayant un fort ancrage territorial afin de sortir de la logique de surconsommation qui a été favorisée par un modèle fortement centralisé. La sortie de ce modèle ne se fera pas sans une forte mobilisation citoyenne, c’est pourquoi Enercoop souhaite donner aux citoyens les clés de leur modèle énergétique avec l’idée que la transition énergétique doit être sous contrôle citoyen. Le modèle coopératif revendiqué par Enercoop est censé permettre l’émergence d’un modèle énergétique démocratique et doit favoriser la réappropriation citoyenne de l’énergie en opposition à un modèle énergétique opaque et dont les citoyens sont désintéressés. Quelles sont les pistes pour un modèle énergétique plus démocratique et plus écologique ? Comment et pourquoi les citoyens doivent s’impliquer dans leur modèle énergétique et comment penser cette réappropriation citoyenne du secteur de l’énergie ? Dans quelle mesure cela peut-il contribuer à une accélération du développement des énergies renouvelables ? Le modèle Enercoop est-il porteur d’une transformation radicale de notre société ?
Avec plus de 47 000 clients et 127 producteurs, Enercoop n’est pas encore en capacité de produire un changement systémique et la coopérative a encore du chemin à parcourir avant de devenir le modèle de référence en France. Conscient de cette nécessité de peser davantage dans le débat public, Enercoop a fait le choix d’amorcer une phase ambitieuse de développement commercial et de changement d’échelle. Dans son plan d’action stratégique “CAP 2020” adopté en 2014, la coopérative se fixe pour objectif de compter 150 000 clients d’ici à 2020. Si le développement de la coopérative est indispensable pour lui permettre de peser dans le débat public et pour avoir un impact signifiant, le choix de changement d’échelle n’est pas neutre, il aura des conséquences importante sur l’avenir de la coopérative et pose donc de nombreuses questions. Est-ce que à terme Enercoop serait en mesure de remplacer les mastodontes de l’énergie tel que Engie ou EDF ? Est-ce que c’est souhaitable ? De nombreuses coopératives ayant fait le choix du changement d’échelle ont connu un “déclin coopératif” et des “dérives capitalistiques”. Si le choix du changement d’échelle est cohérent vis à vis de la forte ambition politique et commerciale du projet Enercoop nous pouvons nous demander si ce ce choix ne risque pas d’impacter le projet politique original d’Enercoop, notamment dans un contexte concurrentiel fort. Pour réfléchir à ces questions, nous nous appuierons sur les missions effectuées lors de ce stage, à savoir l’animation de la vie coopérative au sein d’Enercoop. Nous verrons en quoi l’animation de la vie coopérative est un élément clé du projet politique qui vise une transition énergétique sous contrôle citoyen. Nous verrons que le statut coopératif, bien qu’il soit important, ne protège en rien des “dérives capitalistes” et que c’est la vitalité de la vie coopérative, l’implication des sociétaires dans le projet politique qui sont primordiales pour garantir la transition vers un modèle énergétique plus démocratique.