Mémoire d’Anne Debaillie-Bellissens. Lauréate du Prix Coup de Cœur des internautes.
Peut-on être heureux au travail ? Sommes-nous nombreux à envisager notre cadre professionnel avec bonheur ou même seulement enthousiasme ? Une entreprise peut-elle proposer un mode de fonctionnement permettant l’épanouissement de ses salariés ? A plus de 45 ans, je suis entourée de personnes plutôt résignées qu’heureuses de leur situation professionnelle. Même leurs études, leur statut de cadre ne semblent pas les prémunir de cet ennui, de cette lassitude, voire de leur mal-être professionnel, aggravé par une vision de la retraite de plus en plus lointaine et incertaine. Moi-même, malgré des tentatives pour donner un regain d’intérêt à mes missions, ne suis-je pas dans cette situation ?
Un congé sans soldes pour suivre une formation en alternance me semble alors la bouffée d’oxygène dont j’ai besoin. La parenthèse que je m’offre élargit mon horizon de façon inespérée. La société qui me recrute me propose de les accompagner dans leur transformation de SARL traditionnelle en Scop, société coopérative de production et de devenir « Chief Happiness Officer ». Entreprendre autrement pour apporter davantage de bien-être à ses salariés, mes deux nouveaux employeurs nourrissent une ambition à la fois économique et humaniste. Et si l’organisation, les bases même des Scop, pouvaient répondre au double enjeu d’allier performance économique et bonheur au travail ?
Se pencher sur le fonctionnement des Scop par le prisme du bien-être au travail me semblait s’inscrire dans la pertinence d’une double actualité : un système économique que l’on dit à bout de souffle et l’accroissement du phénomène de burn-out, sur le point d’être reconnu maladie professionnelle. J’ai donc décidé de consacrer cette thèse professionnelle à cette façon encore peu connue, et pourtant très ancienne, d’entreprendre. D’examiner si, en plus de redistribuer la richesse aux personnes qui y travaillent, les Scop procurait du bien-être au travail. « Bien-être », et non bonheur, car cette notion renvoie à une plénitude personnelle dont on ne peut demander à l’employeur de mettre en place les conditions.
Le propos ne se voudra pas angélique mais tentera de démontrer avec force exemples, statistiques et témoignages que cette façon d’entreprendre mériterait que l’on se penche sur ses facteurs de réussite. Mais cette thèse professionnelle aura également pour objectif d’identifier les points de vigilance auxquels les acteurs des Scop doivent prêter une attention accrue s’ils veulent conserver une bonne qualité de vie au travail. Allier bien-être et performance, les Scop ne s’érigent pas en seul modèle possible mais nous allons tenter de démontrer qu’elles constituent un vivier d’expériences dans lequel le monde de l’entreprise, les managers du privé comme du public pourraient puiser pour le plus grand bonheur, ou plutôt bien-être, de leurs collaborateurs.