Mémoire de Philippe Urvoa.
Qu’est-ce qui pousse des étudiants à choisir de se former à devenir demain les nouveaux cadres de l’ESS ? Cette économie qu’on dit marginale, mal considérée et mal payée semble conserver un pouvoir d’attractivité en drainant vers elle des cohortes toujours plus nombreuses de jeunes « en quête de sens ». Si cette orientation témoigne des mutations actuelles dans le rapport à l’emploi, c’est l’hypothèse d’un militantisme à la frontière des sphères personnelle et professionnelle qui est ici exploré.
L’ESS, cette économie atypique, voire « marginale » est-elle toujours une affaire de militants ? En étudiant les mutations du militantisme, en abordant le rapport des jeunes générations à l’engagement, c’est à cette question que ce travail essaie de répondre. Prenant appui sur la sociologie de l’engagement, il fait apparaître que celui-ci, dans un monde en crise identitaire, procède de la construction progressive d’une cohérence personnelle : ce sont des parcours, des chemins d’engagement que nous donnent à voir les jeunes en formation. Soucieux de transformer le monde, ils se refusent par contre au don de soi à la cause, préservant ainsi leurs aspirations plus personnelles . Exercice subtil d’équilibre qui n’empêche pas le renforcement progressif d’une identité, si ce n’est militante, engagée « pour un monde meilleur ». Poser la question du facteur militant dans le choix d’orientation vers l’ESS suppose aussi d’interroger l’offre militante que celle-ci propose. En la matière, force est de constater que le discours, si discours il y a, est brouillé et peu audible. Pour autant, face à la méfiance dont ils témoignent à l’égard des appareils militants, il apparaît que ces jeunes ne sont pas moins engagés que leurs aînés : ils le sont de façon si ce n’est « nouvelle », en rupture avec leurs aînés. C’est ainsi que, quand la parole et l’action publique ne semblent plus pertinentes, apparaît un militantisme qui entend quand même se propager via les « sphères de l’intime ».