Mémoire de Maitena Freche.
Depuis le 2 août dernier, l’humanité vit à crédit : elle a consommé, en sept mois seulement, toutes les ressources que la Terre pouvait renouveler en une année. Jusqu’à fin 2017, pour continuer à subvenir à nos besoins, nous allons donc surexploiter les écosystèmes et compromettre leur capacité de régénération. Ce jour que l’ONG Global Footprint Network appelle « le jour du dépassement » intervient toujours plus tôt : il a reculé de 5 mois en moins de 50 ans. En effet, en 1971, nous dépassions nos limites fin décembre seulement. Selon les calculs de l’ONG, la consommation de l’humanité excède de 70 % les ressources disponibles. Il nous faudrait ainsi 1,7 planète pour assouvir nos besoins annuels, 3 si tous les habitants du monde vivaient comme des français.
La conjugaison de la croissance démographique mondiale et de modes de vie toujours plus gourmands en ressources pèse lourdement sur la disponibilité des ressources de la planète. Face à cette réalité, l’économie circulaire a le vent en poupe. Elle propose en effet de rompre avec le schéma linéaire sur lequel repose notre système économique qui consiste à extraire toujours plus de matières premières pour fabriquer des produits, les consommer puis les jeter. Elle promeut un modèle économique plus « circulaire » dont l’objectif est de produire des biens et des services de manière durable, en limitant la consommation et le gaspillage de ressources ainsi que la production de déchets.
Nombreux sont les acteurs, publics comme privés, à s’être emparés du concept d’économie circulaire ces dernières années. Le ministre de la Transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, a ainsi récemment affirmé que chacun comprenait maintenant l’intérêt d’une démarche d’économie circulaire, y compris les grandes entreprises qui y voient désormais un avantage compétitif. Il a ajouté vouloir créer les conditions pour que cette « révolution industrielle majeure » puisse trouver tout son déploiement. L’économie circulaire est ainsi portée aux nues, non seulement par le monde politique, mais également par les médias et les entreprises qui y voient de nouvelles opportunités de croissance. Si cet engouement est nouveau, la pratique de l’économie circulaire, elle, ne l’est pas. En effet, de nombreux acteurs de l’économie sociale et solidaire sont positionnés de manière historique dans ce secteur. Les structures de l’insertion par l’activité économique, en particulier, ont trouvé depuis plusieurs dizaines d’années dans les domaines du recyclage et du réemploi un support adapté au déploiement de leur projet social. Comment la montée en puissance actuelle du concept d’économie circulaire les impacte-elles? Face à l’appropriation du secteur par les entreprises, les acteurs de l’ESS et plus particulièrement les structures 6 d’insertion s’adressant à des personnes éloignées du monde du travail y trouvent-elles encore leur place ?
Pour tenter d’apporter des éléments de réponse à cette question, la principale technique de recueil de données retenue a été l’analyse de documents et de publications (pour plus de détails concernant la méthodologie, se reporter à l’encadré méthodologique ci-dessous). Nous aborderons dans une première partie le développement récent du secteur de l’économie circulaire, sa reconnaissance progressive par les pouvoirs publics et son appropriation par les entreprises. Nous verrons dans une deuxième partie l’importance des acteurs de l’économie sociale et solidaire dans le secteur, leur rôle de pionniers et la diversité des activités investies. Dans une troisième partie, nous nous interrogerons sur les complémentarités des secteurs de l’économie sociale et solidaire et de l’économie circulaire et sur les opportunités que ces deux économies représentent l’une pour l’autre. Enfin, dans une quatrième et dernière partie, nous évoquerons les pistes de développement qui s’offrent aux acteurs de l’ESS investis dans des activités d’économie circulaire.