Mémoire de François-Xavier Connen.
L’aide au développement, puisque c’est elle qui est notre objet d’études, est aujourd’hui à une période charnière de son histoire. Elle fait d’un côté un constat d’échecs fréquents depuis plu- sieurs décennies et se trouve plus que jamais sous le feu nourri des critiques venues de divers horizons ; de l’autre côté, le concept même de développement est confronté à une crise qui remet en cause son caractère bienfaisant et met à mal sa légitimité. « Déjà, les limites maximales d’exploitation de la planète ont été dépassées, sans que nous ayons résolu le problème de la pauvreté », fait remarquer le Pape François. Le développement, a fortiori l’aide, se retrouve dans une impasse qui oblige à faire volte-face : tel est l’enjeu de notre travail. A la suite de Gilbert Rist, Majid Rahnema et d’autres, nous partons de l’hypothèse suivante : la pauvreté ne peut plus être considérée comme une réalité objectivée, une chose en soi qui existerait hors de tout contexte, indépendamment des mécanismes de marché qui produisent la richesse, comme si ceux-ci ne causaient pas aussi la misère. Autrement dit, la lutte contre la construction sociale de la pauvreté invite à s’interroger de façon radicale sur les circuits économiques et les modes de partage des richesses au niveau local et global. Mais dans quelle mesure, alors, les nouvelles logiques d’une économie solidaire peuvent-elles inspirer l’aide au développement pour tisser de nouveaux rapports entre les hommes et avec l’environnement ? Est-il possible que l’aide prenne en quelque sorte les devants sur le développement pour éviter de dupliquer les erreurs du passé ? Et ne pourrait-elle pas en retour contribuer à enrichir la mutation du concept de développement dont elle prétend être la servante ? Ces questions ouvrent de vastes champs d’investigation qui excèderaient le cadre de notre recherche. Nous ne traiterons pas de l’aide publique au développement adressée aux Etats, mais seulement de celle directement apportée aux populations civiles par des organisations publiques ou privées, à la fois pour resserrer notre sujet et parce que les deux cas de figure comportent des enjeux de nature différente. Sans prétendre présenter une étude détaillée, nous nous proposons d’explorer quelques pistes sur les- quelles aide au développement et économie solidaire pourraient converger.