La vie démocratique, un outil de prise de décision collective

Mémoire d’Adeline Veyret. Lauréate du Prix Master 2 en 2017.

Les six associés de la Société Coopérative Ouvrière de Production (SCOP) se rassemblent dans la pièce principale. Ils enlèvent la farine de la table et la nettoie rapidement avec une éponge. Il est 16h. Un des boulangers enlève la dernière fournée de pains et les déposent uns à uns sur une grille, prêts pour la livraison. Un collègue l’aide à finir tandis que tous les autres associés prennent place autour de la table nettoyée. Quelqu’un apporte des petits gâteaux secs, le nouveau produit qu’ils proposent dans leur épicerie. Nous n’attendons plus que l’expert comptable, qui arrive en vélo. Entre les miches de pains qui refroidissent tranquillement sur la grille et les sacs de farine, l’assemblée générale peut commencer. Le gérant sort les documents obligatoires qu’il distribue aux associés. Son délégué référent de l’Union Régionale des SCOP de Rhône-Alpes (l’URSCOP RA) l’a aidé à les préparer car il n’est pas très à l’aise avec les aspects juridiques, qu’il trouve rébarbatifs. Les associés se passent entre eux les documents : rapport de gérance, projet de résolution et rapport annexe de révision coopérative. Ils les ont déjà lus. Le rapport annexe de révision coopérative est d’ailleurs affiché en salle de pause, il présente une analyse pédagogique des comptes. Une des associés sort son repas de midi qu’elle n’a pas eu le temps de manger, un autre baille.

Ses collègues le chambre gentiment et expliquent au réviseur coopératif et à l’expert comptable qu’il a commencé sa journée à 4h. Quelqu’un se lève et va préparer des cafés pour tout le monde. À son retour, le gérant prend la parole, rappelle l’ordre du jour, énumère quels documents étaient à disposition des associés et débute la lecture le rapport de gérance. Il indique les principaux évènements qui se sont déroulés l’année dernière et donne des éléments prévisionnels sur la santé financière de la SCOP pour l’année en cours. L’année s’annonce à l’équilibre, bien que débouchés soient difficiles à trouver. Le gérant annonce que, après une réunion organisée la semaine dernière avec les associés, ils ont pris la décision d’arrêter de travailler avec un client particulièrement exigeant. L’expert comptable demande des précisions sur la part du chiffre d’affaires que représente ce client. 14%. Les associés ont pris leur décision, ils veulent conserver leur qualité de vie et ce client leur demande une flexibilité qu’ils ne peuvent pas offrir, en raison de leur taille. Le réviseur coopératif alerte la SCOP sur la nécessité de remplacer ce client rapidement. Chacun lance des idées sur les contreparties qui pourraient être trouvées. Le gérant note des pistes de débouchés commerciaux et l’assemblée générale se poursuit. Un des points à l’ordre du jour est la candidature d’une nouvelle associée. Elle est présente autour de la table et a participé aux débats même si elle n’a pas le droit de vote. Les autres associés sont tous d’accord pour qu’elle rentre au capital de la SCOP. On rappelle le montant de l’engagement de souscription qui sera prélevé chaque mois sur son salaire pour augmenter sa part de détention de capital social. Elle a lu les statuts avant de prendre sa décision, elle connaît les implications. Elle gribouille quand même sur un coin de table le coût mensuel de l’engagement de souscription. 60€ par mois en moins sur son SMIC pendant 4 ans, jusqu’à atteindre 3000€ de capital social. La SCOP démarre son activité et a dû mal à trouver ses clients, elle sait quelle prend un risque, mais elle croit au projet et y travaille ardemment tous les jours. Elle rédige le chèque de 15€ à l’ordre de la SCOP. Le gérant lui donne en retour un bulletin de souscription. Elle est devenue associée. Les autres la félicite et l’assemblée générale reprend son cours. Maintenant, elle peut participer au vote. La journée de travail a été dure, elle sourit sans y croire vraiment. L’assemblée se termine rapidement, un des associés sort une bouteille de champagne pour célébrer l’évènement. Tout le monde lève son verre à la santé de la SCOP.