L’impact social, objet établi ou projet à co-construire ?

Mémoire de Marion Studer. Lauréate du Prix Master 2 Formation Initiale.

Le contrat à impact social est apparu au Royaume-Uni sous le nom de « Social Impact Bonds » et a été expérimenté pour la première fois en 2010 dans un programme de réinsertion des détenus de la prison de Peterborough. Il vise à inciter les investisseurs privés à financer des projets à fort « potentiel » en proposant une rémunération du placement si l’impact social du projet est atteint. Le schéma suivant résume les acteurs et les flux en présence.

Dans son principe, le CIS fonctionne de la sorte : une autorité publique (Etat ou collectivité territoriale) contractualise avec un intermédiaire financier. Les investisseurs privés apportent les fonds à l’intermédiaire financier dans le but de financer l’action à mener. L’intermédiaire financier alloue les fonds à une structure, généralement issue de l’ESS, afin qu’elle mette en place le programme auprès de la population cible. Les objectifs d’impact social à atteindre et le montant de la rémunération qui est fonction de l’accomplissement de ces objectifs sont alors fixés après concertation des différentes parties prenantes. Un évaluateur externe évalue ensuite si les objectifs initiaux sont atteints. Dans ce cas, l’autorité publique verse le montant principal ainsi que des intérêts (en fonction des résultats) à l’investisseur par le biais de l’intermédiaire financier. Dans le cas contraire, la charge financière est supportée par l’investisseur privé. Ainsi, la notion d’impact social est centrale dans toute construction d’un CIS puisqu’elle détermine le remboursement et le versement des intérêts de l’investissement.

Enfin, l’orientation de ce présent mémoire sur la notion d’impact social est liée aux limites que présente le Produit Intérieur Brut (PIB), indicateur hégémonique de bien-être social dans les sociétés régies par l’organisation capitaliste, pour évaluer la richesse créée par l’ESS.

Parmi les limites les plus fréquemment évoquées, de nombreuses activités telles que l’activité bénévole ou l’activité domestique ne sont pas prises en compte dans le calcul du PIB. Le PIB n’intègre également pas la répartition des richesses et la création d’inégalités issues de l’activité économique. Il est un indicateur de flux qui ne prend pas en compte le patrimoine (le stock) et sa dépréciation pour soutenir l’activité, notamment le patrimoine naturel, ni les externalités. Enfin, le PIB constitue une mesure de l’output, soit la quantité produite et non de l’outcome, soit la satisfaction et le bien-être de la consommation du bien produit. On remarque que le champ de l’ESS est particulièrement concerné par ces limites. En effet, l’ESS est d’abord caractérisé par une participation importante des bénévoles. On recensait ainsi en France en 2012 environ 4 000 000 de participations bénévoles dans les associations employeuses correspondantes à 290 000 ETP, et plus de 19 945 000 de participations bénévoles dans les associations non employeuses correspondantes à 782 000 ETP . De plus, nous l’avons vu, le PIB, par la non prise en compte des externalités, sous-estime la dégradation de l’environnement par l’activité économique alors qu’une partie non négligeable des structures de l’ESS a précisément pour objet la préservation de la biodiversité et de la nature dans sa globalité. De même, alors que le PIB n’intègre pas la création d’inégalités, une autre partie des structures de l’ESS a pour vocation de réduire ces inégalités (économiques, sociales etc) et de venir en aide aux publics qui en sont victimes.

Le PIB semble donc encore plus incomplet quand il s’applique à l’ESS. Des notions alternatives telles que l’utilité sociale ou l’impact social ont en partie pour vocation de combler ce déficit de captation des richesses réellement produites et non intégrées dans le PIB. En ce sens, l’impact social peut, selon le cadrage théorique qui mobilise la notion, comme nous le verrons, constituer une évaluation alternative au PIB de la richesse produite par l’ESS.