Mémoire d’Amélie Rochas.
La vision binaire du monde entre travail indépendant et salariat ne semble plus pertinente pour décrire les relations qui se jouent au sein de structures comme les coopératives d’activités et d’emploi (CAE) où les coopérateur.e.s se composent d’un « costume » sur mesure, nous amenant à redéfinir les notions de travail et d’identité professionnelle.
Nous empruntons la notion de « zone grise de l’emploi » à A. Supiot pour décrire l’espace entre les deux polarités, travail indépendant versus salariat, dans lequel se situent les CAE.
Malgré leur volonté affichée de « travailler autrement », ne sont-elles pas traversées par les changements à l’œuvre dans le monde du travail et dans notre société ?
La question de l’épanouissement, et à travers elle, celle de la dimension expressive du travail, est en filigrane de nos questionnements : le travail est-il toujours facteur d’émancipation dans ces structures ?
L’étude du rapport au travail des entrepreneur.e.s salarié.e.s associé.e.s (ESA) de la CAE Oxalis nous a montré comment les ESA tissaient une identité professionnelle singulière au sein de cette zone grise, traversée par de nombreuses tensions (autonomie/subordination, protection/risque, politique/économique, individuel/collectif). Plusieurs auteurs montrent l’importance du travail dans la définition de soi ; nous montrons ici l’importance du travail sur soi dans le rapport au travail. ». La dimension collective du processus de construction identitaire, liée notamment à la vie coopérative, est importante : elle fait naître un sentiment de cohérence entre l’identité « pour soi » et l’identité « sociale ». En contradiction à l’injonction sociétale de réussite décrite par A. Ehrenberg, il s’agit pour les ESA de devenir soi en abandonnant le fait « de devenir quelqu’un ».